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Le mauvais deal de la convention

Quelles sont les raisons qui ont poussé la FSPF à ne pas signer un texte que le principal syndicat de la profession a pourtant contribué à mettre sur pied ? Analyse et explications.

Pour la première fois chez les pharmaciens, le syndicat majoritaire ne signera pas un avenant conventionnel.© FOTOLIA/YULIIA

Le 13 juillet, par une décision sans précédent de son assemblée générale, la FSPF a décidé de ne pas apposer sa signature au bas de la proposition de texte pourtant négociée depuis cinq mois avec l’Assurance maladie et l’autre syndicat représentatif de la profession, l’Uspo. 
L’avenant entériné en juillet met en place pêle-mêle « un nouveau transfert de marge et la création de nouveaux honoraires, de nouvelles missions et des évolutions dans les relations entre les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) et les pharmaciens [ainsi que] des “garanties” macro- et microéconomiques », selon la FSPF. Autant de points sur lesquels les deux syndicats s’étaient globalement entendus il y a encore quelques mois dans le cadre d’une plateforme commune de propositions. Alors pourquoi finalement cette opposition au moment de ratifier le texte ? 
La FSPF met plusieurs arguments en avant, dont en particulier une « rupture de parole » de la part de l’Assurance maladie. En effet, en avril 2017, cette dernière avait proposé « de mettre près de 300 millions d’euros sur la table hors missions, soit 350 millions tout compris ». Cette somme, qui permettait tout juste d’envisager une convention à l’équilibre pour les cinq années à venir compte tenu des baisses de prix, selon les calculs du syndicat, avait remporté de justesse l’approbation de la FSPF, avec 51 % au sein de son conseil d’administration… Malheureusement, en juillet, la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) est revenue sur sa proposition en ne promettant que 200 millions d’euros hors missions. C’est donc à la fois ce revirement et la volonté de ne pas entériner une baisse de marge pendant la période conventionnelle qui expliquent ce refus de signer.

DES TAUX DE MARGE INADAPTÉS

L’avenant conventionnel modifie notamment les taux de la marge dégressive lissée comme suit : hausse de 0 à 11 % pour les médicaments jusqu’à 1,91 euro, puis diminution de la deuxième tranche de 25,5 à 6,5 %, de la troisième tranche de 8,5 à 5 % et de la quatrième tranche de 6 à 5 %. Technique, cette modification revalorise les boîtes dont le prix est peu élevé – le paracétamol, l’homéopathie… – mais les rendra de facto à nouveau sensibles à de futures baisses de prix. Elle se fait également au détriment des autres produits plus chers, en particulier des spécialités très onéreuses, comme les anticancéreux, qui sont appelées à se multiplier dans les années à venir. 
« Le capage, c’est-à-dire la rémunération maximale, sera, en 2020, à 75,43 euros, contre 97,16 euros actuellement pour les médicaments chers », analyse le syndicat, ce qui correspond à une diminution à terme de 22 % de la rémunération sur ces médicaments onéreux. Selon lui, « en transférant environ 1,2 milliard de marge, cet avenant devrait permettre l’apport de 215 millions d’euros hors missions d’ici à 2020. Ceci ne correspond pas aux 300 millions d’euros jugés comme minimum indispensable par les deux syndicats au cours de la négociation ». Même si l’objectif est louable – passer à près de 75 % d’honoraires dans la rémunération des pharmaciens en 2020, contre 53 % aujourd’hui –, les modalités pour y parvenir ne le sont pas en effet.

DES ERREURS DE CALCUL

La négociation conventionnelle qui s’est déroulée depuis le 22 février dernier a été marquée par la bataille de chiffres entre les acteurs. À plusieurs reprises, la FSPF a demandé la correction de chiffres considérés comme faux ou de calculs approximatifs sans réussir à trouver un terrain d’entente avec les services de la Cnam. Il s’agit pourtant d’un point fondamental, puisque les erreurs portent sur le calcul de l’enveloppe versée par l’Assurance maladie aux pharmaciens pour les missions et aboutiront à une diminution significative des sommes versées à l’officine. Ces approximations se retrouvent dans l’accord final : « Ce tableau n’a toujours pas été corrigé […], alors qu’à la veille de la signature de l’avenant, la FSPF avait signalé ces erreurs », rappelle le syndicat. Un recours a été fait au ministère de la Santé pour « tirer les conséquences économiques qui s’imposent ». Pour faire simple, « sur les 65 millions promis par les signataires, seuls 26,9 millions sont réels… les autres sont le fait d’erreurs de calcul », pointe la FSPF.

DES PROTECTIONS INSUFFISANTES

Le texte conventionnel est censé mettre en place deux mécanismes compensatoires pour accompagner les officines qui souffriraient économiquement du changement des règles du jeu pour le calcul des honoraires, prévu à partir du 1er janvier 2019. Le premier mécanisme est individuel : en cas de perte de plus de 350 euros, l’Assurance maladie s’engagerait à indemniser les pharmaciens du montant perdu. Intéressant sur le papier, sauf qu’il y a deux bémols : d’une part, « ce mécanisme ne s’appliquera que pour 2019 et 2020 mais pas au-delà » ; d’autre part, « le financement de cette garantie est prélevé sur l’enveloppe promise par la CNAMTS de 215 millions d’euros ». Le second mécanisme est collectif, il s’agit d’une sorte de clause de revoyure, qui stipule que si la rémunération globale des officines – comprenant à la fois la marge, les honoraires, les nouvelles missions, la Rosp… – diminue d’au moins 1 % par rapport à 2016, l’Assurance maladie rouvrira des discussions… mais seulement à partir de 2021. C’est la première critique de la FSPF sur cette clause qui, en plus de n’être pas rétroactive sur la période 2017-2020, coïncide « pratiquement avec l’ouverture des prochaines négociations conventionnelles », ce qui en diminue d’autant l’intérêt. 


Selon les calculs de la FSPF, ce sont près de 100 millions de ressources en moins pour le réseau par an dans les cinq ans à venir.

Dernier point, avancé par les signataires mais non présent dans le texte signé, le reversement de l’enveloppe au départ dédiée aux nouvelles missions si les sommes n’étaient pas consommées. Rappelons que la ligne budgétaire prévue en 2012 pour les entretiens pharmaceutiques n’avait été que très partiellement consommée, puisque, sur les 15 millions d’euros budgétés, seul 1 million a été versé. En réalité, relève la FSPF, « cette garantie ne concerne donc que le bilan de médication » et n’impliquerait qu’une « réouverture des négociations et en aucun cas un mécanisme de report automatique ». De plus, les nouvelles missions correspondent « à du travail supplémentaire ». Au final, la FSPF juge largement insuffisants les fonds attribués à cet avenant. Sur les 350 millions d’euros (nouvelles missions comprises) réclamés par les deux syndicats, il ne restera qu’environ 241,9 millions selon les calculs de la FSPF sur la période 2017-2020, dont 26,9 millions pour les seules missions. 
Au total, ce sont donc plus de 100 millions d’euros qui manquent. Et ceci à condition que les pharmaciens débloquent l’intégralité du budget que l’Assurance maladie a consacré, par exemple, aux bilans de médication ou à l’ouverture de dossiers médicaux personnels pour chaque Français, un paramètre impossible à anticiper. Les entretiens asthme n’ont ainsi malheureusement jamais connu le succès espéré auprès des patients. De surcroît, les projections économiques n’incitent pas à l’optimisme puisque, compte tenu de l’effet des baisses de prix dans les années à venir, le tendanciel est mauvais : – 96 millions d’euros euros par an entre 2017 et 2021 (voir tableau ci-contre). Enfin, « dans les années à venir, la FSPF table sur 45 millions d’euros par an pour l’évolution des salaires des équipes officinales », un point qui n’a pas été pris en compte dans les négociations conventionnelles. 
L’Assemblée générale a jugé, à plus de 90 %, cet avenant inacceptable et dénoncé « le choix fait par les signataires d’engager, pour la première fois dans l’histoire conventionnelle, une profession de santé vers la baisse de sa rémunération ». 

Source : services économie et communication de la FSPF.

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