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La santé façon Macron

Le plan de santé dévoilé par le chef de l’État prévoit d’investir 3,4 milliards d’euros sur quatre ans pour réformer les études de santé, redéfinir la carte hospitalière et faire de l’exercice coordonné la pierre angulaire des soins.

Par Benoît Thelliez

© FOTOLIA/KOTOYAMAGAMI

Fidèle à son image de grand ordonnateur, c’est Emmanuel Macron en personne qui a longuement présenté, le 18 septembre au matin, la réforme sanitaire de son quinquennat baptisée « Ma santé 2022 ». Il n’y aura donc pas, comme à l’accoutumée, de grande loi tentaculaire portée par un ou une ministre éponyme, mais un train de mesures, cinquante-quatre exactement, qui seront activées par le biais de différents mécanismes (législatifs, réglementaires, conventionnels, etc.) et selon un calendrier sous-tendu par un seul impératif : le plus tôt sera le mieux. Bien que ne répondant donc pas tout à fait aux canons du genre, cette réforme porte une grande ambition : restructurer un système de santé accusé de n’être plus capable de répondre aux besoins sanitaires de la population et de nourrir le mécontentement, voire le désenchantement, des professionnels de santé. Si l’exécutif sait bien que l’argent reste en partie le nerf de la guerre, avec l’annonce d’un Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) relevé de 2,3 à 2,5 % pour disposer, dès cette année, de 400 millions d’euros supplémentaires pour financer son plan santé, Emmanuel Macron a bien fait comprendre qu’il ne suffirait pas de jouer sur l’épaisseur de la liasse pour résoudre tous les problèmes : « Si le budget global que nous consacrons à la santé est élevé mais que tout le monde considère qu’il est insuffisant dans son quotidien, c’est définitivement que nos organisations de soins, nos modes d’allocation des ressources ne sont pas les bons. Ils ne sont pas adaptés en effet à l’évolution des pathologies plus complexes, plus chroniques qui nécessitent plus de coordinations entre professionnels et plus de prévention. » En clair, « le modèle d’organisation n’est plus adapté ni à la demande ni à l’offre de soins ». Pour le président, les dysfonctionnements auxquels la réforme compte s’attaquer sont la conséquence d’un système de soins qui reste « atomisé, cloisonné, déséquilibré, avec de trop nombreux professionnels de ville qui exercent encore de manière trop isolée, des établissements de santé trop souvent en concurrence les uns avec les autres, des secteurs de la ville et de l’hôpital qui ne se parlent pas assez, un virage ambulatoire devant conduire à soigner plus sans recours à l’hospitalisation qui peine encore à se concrétiser et des modes de rémunération qui incitent à la course à l’activité et à l’acte ». Si le constat ne date pas d’aujourd’hui, l’exécutif espère bien réussir à impliquer cette fois-ci l’ensemble de la communauté sanitaire pour infléchir cette tendance délétère.

Plus de proximité

Ne sacrifiant pas totalement à la longue tradition des réformes de santé très « hospitalo-centrées », celle qui vient d’être présentée joue à fond la carte de l’articulation et de la coordination entre la médecine de ville, le médico-social et les structures hospitalières. Ces dernières n’échappent cependant pas à une réorganisation à la fois interne (réhabilitation des services, simplification des statuts des praticiens, gouvernance plus poreuse aux représentants de la médecine de ville, etc.) et territoriale. L’organisation des activités des établissements devra s’adapter aux besoins des patients selon trois niveaux : soins de proximité, soins spécialisés (chirurgie, maternité…) et soins ultraspécialisés ou plateaux techniques de pointe (greffes, maladies rares…). La réelle nouveauté concerne le premier niveau avec la labellisation d’ici à 2022 de 500 à 600 hôpitaux dont le statut sera déterminé par voie législative et qui assureront « exclusivement » des missions de proximité (médecine polyvalente, gériatrie, soins de suite et de réadaptation, suivi des maladies chroniques les plus fréquentes, consultations avancées de spécialités médicales et chirurgicales).  

« Je veux précisément
que l’exercice isolé
devienne l’aberration
d’ici à 2022. »
Emmanuel Macron, président de la République

L’objectif est qu’ils soient largement ouverts à l’exercice mixte entre ville et hôpital. Pour donner dès à présent corps à cette volonté d’abolir la dichotomie entre la médecine générale libérale et la médecine hospitalière de premier recours, il a été annoncé la création immédiate de 400 postes de médecins généralistes, salariés de ces centres de proximité ou des centres de santé implantés dans les déserts médicaux, pour permettre aux patients d’accéder à une consultation de première ligne. Quant au système de la tarification à l’activité (T2A) en vigueur à l’hôpital, il sera progressivement limité au profit d’une rémunération forfaitaire partagée entre les professionnels de santé libéraux et les hôpitaux qui auront donc obligation de mieux se coordonner. Une première vague de financements sera d’ailleurs mise en œuvre pour le suivi des personnes atteintes de diabète et d’insuffisance rénale dès 2019 et des indicateurs de qualité sont en cours d’élaboration afin d’évaluer le parcours de soins de dix pathologies chroniques présentant des enjeux importants pour la santé publique. Hormis la suppression de la première année commune aux études de santé (Paces) et du numerus clausus (voir encadré ci-dessous), le « changement de paradigme » voulu par Emmanuel Macron est donc principalement basé sur une médecine de parcours opérée par une communauté professionnelle sanitaire à laquelle il est désormais demandé de se considérer comme « un collectif de soins », qui devra impérativement faire de l’exercice coordonné l’alpha et l’oméga de ses pratiques.

Tous sur le pont

Le cap montré par Emmanuel Macron est clair : « Le système de santé de demain, c’est un réseau de soins de proximité, dont font partie tous les professionnels de santé d’un territoire, quel que soit leur statut, et qui garantit à la population l’accès permanent à des soins programmés ou non programmés. Les soignants de ce réseau pourront être des hospitaliers, des libéraux, des médecins, des infirmiers, des sages-femmes, des pharmaciens, ce qui importe, c’est que chacun, à sa place, avec son expertise, sa compétence, puisse intervenir au bon moment, de manière coordonnée avec ses collègues et en équipe. » Dans le texte, il apparaît que la réorganisation des soins de ville est la partie saillante de la réforme. Le plan prévoit en effet un déploiement massif des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), créées en 2016 par la loi Touraine. L’inscription des professionnels dans un cadre d’exercice coordonné et la participation effective aux missions territoriales confiées aux CPTS doivent désormais devenir un principe inscrit au cœur de l’exercice professionnel et, comme l’a souligné l’Élysée dans une conférence organisée la veille du discours présidentiel, « les incitations seront telles qu’elles ne pourront être refusées ».  

« Les incitations [à
l'exercice coordonnée]
seront telles qu’elles
ne pourront être
refusées. »
Un conseiller élyséen

Si l’usage du bâton est pour l’heure écarté, l’engagement au sein de ces structures deviendra « rapidement une condition pour bénéficier de certains dispositifs d’appui et de financements de l’État et de l’Assurance maladie ». Plus concrètement, « certains éléments de rémunérations – existantes et à venir – seront réservés, d’ici à trois ans, à ceux qui s’inscrivent dans ce nouveau modèle de coopération ». L’Élysée a ainsi prévenu que la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) pourrait parfaitement entrer dans la balance. Encore une fois, la volonté présidentielle est au tout collectif : « Je veux précisément que l’exercice isolé devienne progressivement marginal, devienne l’aberration et puisse disparaître à l’horizon de janvier 2022. » Ces CPTS, dont il est souhaité qu’elles soient au nombre de 1 000 en 2022, se verront confier six missions prioritaires : des actions de prévention, la garantie d’accès à un médecin traitant pour tous les habitants, les soins non programmés, c’est-à-dire la possibilité d’obtenir un rendez-vous dans la journée en cas de nécessité, l’accès à des consultations de médecins spécialistes dans des délais appropriés, la sécurisation des passages entre les soins de ville et l’hôpital, et le maintien à domicile des personnes fragiles, âgées ou polypathologiques. Les pharmaciens d’officine ne sont quasiment jamais nommés dans le corps de la réforme, la FSPF, par la voix de son président Philippe Gaertner, considère donc que « le plan est largement médico-centré et [que] notre place n’est pas acquise d’emblée ». Du côté de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), on estime impératif que les CPTS intègrent « un pharmacien au sein de l’équipe pluridisciplinaire afin de coordonner au mieux les soins et le suivi des patients ». Pharmaciens, si rien ne vous est imposé pour le moment, tout porte à croire que votre intérêt est de suivre cette voie de la coordination.

Bye bye numerus clausus

Personne ne donnait cher de leur peau depuis un moment et c’est finalement la réforme de santé qui est venue définitivement sceller le sort du numerus clausus et du concours sanctionnant la première année commune aux études de santé (Paces), présentés tous les deux comme les parangons d’une sélection brutale, bornée et déshumanisée. En attendant le texte législatif qui définira la nouvelle maquette de la formation et qui ne devrait pas être voté avant un an, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a tout de même précisé que la filière ne serait pas non plus ouverte aux quatre vents. Elle envisage d’assouplir les modalités de sélection en laissant la possibilité à chaque faculté d’opter pour un numerus apertus (nombre plancher d’étudiants à former) ou pour une sélection après la troisième année. L’Anepf, qui se félicite de l’abandon de ce système, précise cependant qu’elle souhaite que soient conservés « des enseignements spécifiques aux filières de santé construits autour de stages adaptés ». L’organisation étudiante appelle par ailleurs de ses vœux des « formations plus qualitatives » correspondant « aux nouvelles missions des pharmaciens », mais prévient que cela ne devra pas « induire un allongement des études, ni remettre en question le travail déjà effectué sur le troisième cycle long des études de pharmacie ».

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