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Microplastiques, maxi dégâts ?

Il est avéré que des minuscules particules de plastique auxquelles nous sommes exposés en permanence pénètrent dans notre organisme. Reste à déterminer leur dangerosité. 

Par Benoît Thelliez

Une étude américaine, publiée début 2024, indique la présence moyenne de 240 000 particules de nano- et microplastiques par litre dans des bouteilles d’eau du commerce.© adobestock_ukrolenochka

Il est connu sous le nom de « septième continent », ou, moins poétiquement, de « continent poubelle ». Mis en évidence en 1997, ce gigantesque vortex de plastiques aux contours diffus et mouvants, qui évolue sous la surface de l’océan Pacifique entre Hawaï et la Californie et s’étend sur plus de 1,6 million de kilomètres carrés, a matérialisé l’ampleur de la pollution planétaire générée par ces matériaux synthétiques de notre vie quotidienne.

Exposition permanente

Si leurs conséquences néfastes pour l’environnement sont clairement avérées, c’est désormais à leur potentiels effets délétères sur notre santé que s’intéressent les scientifiques, principalement sous leurs formes fragmentées. Résultant de l’érosion de particules plus grosses, les nano et microplastiques ont une taille entre 1 et 5 microns pour les premiers et inférieure à 1 micron pour les seconds, même s’il n’y a pas encore de consensus sur ces définitions. Quoi qu’il en soit, ils sont présents partout : « On les retrouve dans les sols, dans l’eau mais aussi dans l’air, comme beaucoup d’autres types de polluants », explique Xavier Coumoul, professeur en biochimie et toxicologie à l’université de Paris et directeur de l’équipe Inserm Metatox, laboratoire T3S. Pour compléter ce tableau, Olivier Fardel, professeur de physiologie-hématologie à la faculté de pharmacie de Rennes, praticien hospitalier et membre de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset), rappelle que cette exposition est également liée « aux contenants des produits alimentaires ou cosmétiques, mais aussi directement à la nourriture ingérée, notamment les produits provenant des océans ». Si les deux principales voies de contact sont l’alimentation et l’inhalation, la voie cutanée n’est pas non plus exclue. 

Les barrières tombent

En 2022, une étude de chercheurs néerlandais a mis en évidence la présence de plusieurs types de résidus plastiques dans le sang de personnes en bonne santé. « La concentration moyenne retrouvée était de l’ordre de 1 à 2 microgrammes par millilitre de sang, ce qui n’est pas rien si l’on extrapole à l’ensemble du système circulatoire », constate Xavier Coumoul. Même s’il faut pour l’heure rester prudent du fait du manque de données et donc de consensus sur ces questions, « un certain nombre d’études montrent des passages de ces plastiques à travers les barrières intestinale, pulmonaire, placentaire ou encore hématoencéphalique », remarque Olivier Fardel. Parmi les mécanismes évoqués dans la littérature pour expliquer cette pénétration des nano et microplastiques au sein de notre organisme, le spécialiste pointe « l’endocytose, c’est-à-dire le transport vésiculaire vers l’intérieur d’une cellule, et parfois aussi des passages par transcytose ou par interaction directe avec les composants membranaires, notamment lipidiques. L’homme n’est donc, semble-t-il, pas imperméable à ces plastiques. »

Plusieurs mécanismes

Une fois établi que ces substances sont capables de s’infiltrer dans notre organisme, il s’agit désormais de rechercher leurs potentiels effets nocifs pour la santé. « À ce stade, les risques sanitaires sont très mal appréhendés, assure Xavier Coumoul. Néanmoins, une récente étude publiée dans The New England Journal of Medicine a montré la présence de nano et microplastiques dans les athéromes carotidiens de plusieurs personnes. Par ailleurs, il a été établi que les patients avec les niveaux les plus élevés de ces plastiques étaient également ceux qui avaient le risque le plus élevé de développer un infarctus ou un AVC. Même si on ne peut pas attester de liens de causalité dans cette étude, d’autres sur des rongeurs montrent que la présence de plastiques dans l’intestin peut provoquer des processus inflammatoires. » Plus globalement, « on recherche d’abord une toxicité propre liée à des notions de stress oxydant, d’effet pro-inflammatoire et de perturbation du métabolisme cellulaire, expose Olivier Fardel. Un autre axe d’investigation est de déterminer les mécanismes éventuels de potentialisation des effets d’autres contaminants environnementaux. Le troisième essaie enfin de savoir si ces plastiques peuvent être des vecteurs de ces autres substances contaminantes. » Outre les additifs associés directement aux plastiques pour améliorer leurs propriétés que sont les retardateurs de flamme organophosphorés, les PFAS, les bisphénols ou encore les phtalates, « des composés comme des pesticides, des hydrocarbures aromatiques polycycliques ou d’autres molécules considérées comme des perturbateurs endocriniens sont susceptibles de se déposer à leur surface », prévient Olivier Fardel. Dans ce cas de figure, les particules de nano- ou microplastique seraient alors les vecteurs inertes de ces substances à la dangerosité quant à elle bien établie.

Début de preuves

Pour Xavier Coumoul, il est clair que « la littérature récente, qu’elle soit expérimentale ou épidémiologique, commence à démontrer que l’exposition aux nano- et microplastiques est associée à des enjeux sanitaires ». De son côté, Olivier Fardel estime également qu’il est « complètement justifié de s’y intéresser de manière approfondie ». Il rappelle toutefois qu’« il n’y a, pour le moment, pas les éléments permettant de tirer de conclusions définitives. Le travail des scientifiques est de fournir des données et c’est ensuite aux agences sanitaires de faire la part des choses et de décider d’adopter d’éventuelles mesures de santé publique. » 

Les femmes surexposées

Aucune étude n’a pour l’instant établi scientifiquement une exposition aux nano et microplastiques supérieure chez la femme. Certes, mais de solides faisceaux de présomption assis sur différentes données observationnelles penchent fortement en faveur de cette hypothèse. L’utilisation nettement plus importante par les femmes que par les hommes de produits cosmétiques en est une. Ces derniers sont non seulement emballés dans des contenants très majoritairement constitués de matières plastiques susceptibles d’être dégradées et relarguées dans le produit, mais un grand nombre d’entre eux intègrent des microplastiques dans leur composition. Autre sujet discriminant : les protections périodiques. Selon une étude récente, on retrouverait en moyenne 36 g de plastiques dans un paquet de serviettes conventionnelles, présents notamment dans la couche supérieure en contact avec les muqueuses. Même inquiétude vis-à-vis des tampons qui ne feraient pas tellement mieux dans ce domaine. 

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