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Michel Leroy - CPTS Paris 13

« Il faut profiter de la dynamique actuelle »

Pharmacien installé depuis 28 ans à Paris, Michel Leroy est à l’origine de la création de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) du 13e arrondissement, à la fois l’une des premières et des plus importantes de France. 

Par  Benoît ThelliezPhotographe Nicolas Kovarik

BioExpress

Se définissant lui-même comme
un « Parisien de la Meuse »,
Michel Leroy a choisi la profession
de pharmacien plutôt que celui 
de banquier parce qu’il voulait faire
un métier « utile ». Installé depuis
28 ans dans la même officine parisienne,
il est le créateur du premier réseau 
de soins palliatifs de France. 

  •  Depuis 2018 : coprésident 
    du Syndicat des pharmaciens
    de Paris (FSPF).
  •  2008-2013 : conseiller ordinal.
  •  1990 : diplômé de la faculté
    de pharmacie de Reims
    Champagne-Ardenne.

Quelles sont les étapes qui ont présidé à la création de la CPTS Paris 13 ?
Tout s’est fait naturellement à partir du premier réseau de soins palliatifs de France, créé au sein de ce quartier parisien il y a une quinzaine d’années. Articulé autour de médecins, d’infirmiers, de pharmaciens et des services sociaux, il avait pour objectif de mieux répondre aux volontés des patients en fin de vie, visiblement en décalage avec les réalités de terrain. Comme une porte s’était ouverte avec la mise en place de ces réseaux thématiques, nous avons pensé qu’il était intéressant d’élargir les domaines de coordination à d’autres problématiques comme par exemple la cancérologie.

Comment avez-vous basculé vers la constitution d’une CPTS dans l’arrondissement ?
Nous sommes partis d’un constat propre à notre territoire : à Paris, la pyramide des âges des médecins généralistes est très défavorable. Par ailleurs, si les futurs généralistes sont prêts à s’investir, ils s’orientent plutôt vers un exercice en maison de santé pluridisciplinaire (MSP). Le premier travail de ce qui était l’embryon de la CPTS actuelle a donc été de créer des MSP en aidant un certain nombre d’internes à s’installer. Une fois que cela a été fait, on s’est ­aperçu qu’il y avait un réel besoin d’une cellule de coordination, qui s'est matérialisée, il y a cinq ans, sous la forme d'un pôle de santé, particulièrement adapté au tissu parisien qui voit beaucoup de professionnels exercer de manière isolée. Partant de là, le pas qu’il restait à faire pour constituer une CPTS n’était plus très grand. Lors de sa création, nous avons surtout impliqué de nouveaux acteurs comme les établissements de santé, les associations de patients et les politiques…

Sur quels projets repose la CPTS Paris 13 ?
À Paris, nous avons aligné les CPTS sur les arrondissements. Concrètement, le projet de territoire est tourné vers les femmes et les hommes qui vivent ou travaillent dans le XIIIe arrondissement, soit plus de 250 000 personnes. Étant ­donné notre taille, nous essayons d’obtenir des financements supplémentaires à ceux prévus dans l’accord conventionnel interprofessionnel dont le plafond est actuellement lié à une CPTS englobant un bassin de population de 175 000 habitants et plus. Il faut bien comprendre que la CPTS est avant tout un territoire de santé et pas un club de professionnels. C’est à eux de s'entendre pour déterminer leur territoire et non à l’agence régionale de santé de procéder au découpage en amont. Il faut ensuite interroger ce territoire, établir un diagnostic et savoir quelles sont les problématiques qui le caractérisent : est-ce un désert médical ? Est-il peuplé de beaucoup d’enfants ou de personnes âgées, y rencontre-t-on des problèmes particuliers d’alcoolisme, etc. ? Comme je l’ai déjà évoqué, nous avions ici un début de désertification avec de moins en moins de médecins généralistes. La gageure est d’arriver à nous harmoniser avec les établissements de notre territoire qui sont des monstres, notamment la Pitié-Salpêtrière qui est le plus grand hôpital d’Europe. Il convient également de mobiliser des personnes ou des entités qui ne sont pas à proprement parler dans le champ de la santé comme les clubs sportifs, les associations de retraités ou encore les infirmiers scolaires, qui travaillent de manière extrêmement isolée et qui, du coup, se sentent soutenus et encouragés à remettre en place des actions qu’ils avaient abandonnées. L’idée, encore une fois, est de ne pas se restreindre et d’explorer toutes les pistes possibles pour améliorer la prévention et la santé des habitants de notre territoire. 

Quel est le rôle des pharmaciens dans la constitution et le fonctionnement de la CPTS ?
Au sein de la CPTS Paris 13, nous sommes 250 professionnels qui travaillons ensemble dont 70 pharmaciens, soit la quasi-totalité de ceux qui sont installés dans l’arrondissement. Leur rôle a été et continue d’être déterminant et certaines propositions comme le mois sans tabac émanent directement d'eux. Depuis trois ans, ils ont distribué gratuitement des substituts nicotiniques, financés par le pôle puis la CPTS, après formation de toute l'équipe officinale par une pharmacienne tabacologue. Cette année, ce seront plutôt des soins de support qui seront proposés aux patients désireux de s’inscrire dans un programme de sevrage avec des ateliers gratuits de relaxation, de l’éducation sportive… Par ailleurs, vingt pharmaciens sont inscrits dans un programme d’automesure tensionnelle pour les patients. La seconde étape, actuellement en discussion, consisterait à permettre aux pharmaciens, selon un protocole défini avec les médecins, ­d’adapter le traitement en fonction des résultats obtenus par les mesures tensionnelles réalisées chez eux par les patients. Dans ce contexte, nous attendons d’ailleurs les textes relatifs à la dispensation protocolisée. Dans le cadre de la CPTS, nous avons également mis en place une garde 24 h/24 et 7 j/7 de sages-femmes de ville afin de répondre aux besoins liés aux sorties de maternité de plus en plus précoces. Nous avons entamé une discussion avec elles pour que les officines soient en phase avec leurs attentes et aient à disposition les produits nécessaires.

Qu’en est-il de la vaccination antigrippale ?
Un programme a évidemment été mis en place en lien avec cette mission, qui devrait concerner 80 % des pharmaciens de l’arrondissement. Sur le terrain, les infirmiers n’y voient aucun inconvénient puisque l’objectif n’est pas de vacciner à leur place mais bien de protéger plus de personnes vulnérables contre la grippe cette année par rapport à l’année dernière. Je crois que certains ne se rendent d’ailleurs pas compte de la révolution que cela va engendrer au comptoir, surtout à Paris où les gens sont pressés et apprécient d’être servis tout de suite. C’est pour cela que je n’hésiterai pas à les rediriger le cas échéant vers des infirmiers qui se sont engagés à mettre en place des permanences dont les horaires seront affichés sur le site de la CPTS. L’idée est bien entendu de coordonner nos pratiques pour le bénéfice des patients. 

Que reste-t-il à améliorer ?
Nous avons du mal à mobiliser les médecins spécialistes, qui conservent, à Paris, une certaine distance avec les généralistes. Ils ont bien souvent un petit réseau informel qui leur est propre et qui est principalement orienté vers l’hôpital. Du coup, il est difficile de les inclure dans nos projets, de même que les dentistes, les kinésithérapeutes ou encore les laboratoires d’analyse. Mais de manière générale, les actions qui restent à imaginer sont infinies, à l’image de l’expérimentation que nous développons pour améliorer le parcours de soins des personnes âgées dans l’arrondissement, en articulation avec les établissements hospitaliers, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)…

Quel conseil donneriez-vous à un pharmacien qui hésite encore à se lancer dans une CPTS ?
Je lui dirais de foncer ! Il faut profiter de la dynamique actuelle qui voit les tutelles être demandeuses alors qu’à l’époque, il fallait sans arrêt les convaincre lorsque l’on voulait mettre sur pied un réseau de soins. On pourrait presque dire que, pendant encore deux ans, l’imagination est un peu au pouvoir. Après, les financements directs risquent de s’amenuiser et le cadre devenir plus contraignant. D’autre part, le fait de travailler dans ce contexte interprofessionnel a sans conteste resserré les liens entre les infirmiers et les pharmaciens qui étaient plus ou moins tendus, pour le plus grand bénéfice des prestataires. Ils perçoivent désormais le pharmacien comme une ressource utile à leur pratique. Parallèlement, ce travail coordonné permet aux pharmaciens d’améliorer leurs connaissances des besoins propres aux autres professionnels de santé et de répondre au mieux à leurs attentes.

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