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Dialogue de sourds autour d'Audibest

L'Assurance maladie et les promoteurs de ce nouvel appareil « correcteur de surdité » s'écharpent sur la possibilité de le rembourser.

Vous vous souvenez de l'affaire Sonalto ? La vente de cet assistant d'écoute – à ne pas confondre avec une audioprothèse – avait été autorisée en officine après un long périple judiciaire, pourvu qu'il ne dépassât pas la puissance de 20 dB. Or voilà qu'un dispositif d'un nouveau genre, baptisé Audibest, distribué en officine par Évolupharm, promet non seulement un gain de 35 dB mais également un reste à charge nul pour le patient – une première –, pour peu qu'il dispose d'une mutuelle et d'une prescription d'un généraliste. Les audioprothésistes sont écartés de la prise en charge, à leur grand dam évidemment. Vous l'aurez peut-être remarqué, le fabricant a eu recours à un code LPP « générique » (LPP 2351548), correspondant à un « appareil électronique correcteur de surdité, contour d'oreille ou intra-auriculaire », au prix de 199,71 euros. 

La Cnam renâcle

Trop beau pour être vrai apparemment, l'Assurance maladie ne l'entendant pas de cette oreille, comme le prouve ce message transmis suite à notre demande : « En l’état, les conditions de prise en charge des audioprothèses à la LPP requièrent l’intervention d’un audioprothésiste et plusieurs séances d’écoute du patient, de test auditif et d’essai et réglage de l’appareil qui sont très explicitement énumérées, détaille la Caisse nationale d'assurance maladie. L’appareil ici présenté [Audibest, NDLR] ne répond pas à ces conditions. Il s’agit d’un dispositif médical intermédiaire, entre les prothèses auditives relevant des audioprothésistes et les assistants d’écoute dont la distribution est libre. » La Cnam conclut par un lapidaire : « Cet appareil doit être évalué par la Haute Autorité de santé et éventuellement inscrit en tant que tel à la LPP. En attendant, il ne peut pas être remboursé. »

Contexte politique

Du côté du fabricant, on assure avoir pris les devants : « Nous avons contacté les 13 caisses régionales d'assurance maladie ainsi que le directeur de la Caisse nationale [Nicolas Revel, NDLR] et même la ministre de la Santé [Agnès Buzyn, NDLR] ; 3 caisses, le Puy-de-Dôme, le Rhin et la Mayenne, nous ont donné leur accord et certains pharmaciens ont déjà été remboursés après délivrance de notre produit », assure Jean-Pierre Juguet, directeur marketing et communication chez Évolupharm. Cette passe d'armes sur la place des audioprothésistes dans la prise en charge des patients intervient dans une actualité chargée : le congrès des audioprothésistes, comprenant entre autres une table ronde sur « le Big Bang du reste à charge zéro », une promesse du candidat Macron, doit précisément se tenir les 23 et 24 mars prochain au Palais des Congrès à Paris. « Le chantier a été lancé mi-janvier avec pour objectif d’aboutir à un accord en juin », rappelle l'Union nationale des audioprothésistes de France (Unsaf). Hasard ou coïncidence ? Nous vous laissons juge.

Par Laurent Simon

15 Mars 2018

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