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Les pharmaciens vaccineront-ils un jour ?

Ecartée du projet de loi santé en mars dernier suite au lobbying des médecins, la vaccination à l'officine n'est pas pour autant abandonnée, ni par les politiques, ni par les pharmaciens eux-mêmes.

La députée Catherine Lemorton, au 68e Congrès des pharmaciens.© Miguel Medina

 

La dernière table-ronde du congrès de Reims se voulait politique ; il a beaucoup été question de santé publique. Autour de Philippe Gaertner, président de la FSPF, ont ainsi débattu de la vaccination à l'officine Catherine Lemorton, députée de Haute-Garonne et présidente de la commission des Affaires sociales à l'Assemblée nationale, Albin Dumas, président de l'Association de pharmacie rurale (APR), Victorien Brion, pharmacien responsable de la formation chez Atoopharm, et la présidente de Giphar, Laetitia Hible. « Je regrette que le gouvernement ait reculé sur la vaccination à l'officine », a exposé ce dimanche matin Catherine Lemorton. Elle a avoué qu'elle n'était pas convaincue elle-même de l'idée « au début » mais la ministre de la Santé l'a ensuite fait changer d'avis en lui prouvant l'efficacité du dispositif sur la couverture vaccinale au Portugal. Catherine Lemorton rapporte également que Marisol Touraine lui a dit que « les médecins sont tellement en colère que je préfère retirer quelque chose [de mon projet de loi santé] et le mettre en expérimentations ». Dont acte. « On est là pour renforcer la relation médecin-malade, pas pour l'abîmer », a pourtant rappelé Albin Dumas. Pour la députée, « ce refus d'accepter la vaccination par les pharmaciens est un mauvais positionnement du gouvernement. Cela veut dire qu'il recule de peur d'avoir des médecins dans la rue. C'est ça la vérité ». Elle estime par ailleurs que l'amendement déposé par le député Arnaud Robinet pour réintroduire la possibilité de vacciner à l'officine dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 « ne passera pas la barrière législative de l'article 40 », au motif que la mesure « crée des frais pour les deniers publics ».

Pour la présidente du groupement Giphar, le problème est ailleurs : si elle soutient « à fond la vaccination par les pharmaciens, je détecte juste un blocage, a relevé Laetitia Hible : le pharmacien lui-même, une réticence au changement existant encore chez la plupart ». En outre, elle pense que « tout le monde ne pourra pas le faire », à l'instar d'autres nouvelles missions. Car selon le groupement, « la taille idéale, nécessaire d'une pharmacie est de 2 M€ de chiffre d'affaires et deux titulaires ». Sifflée par l'assemblée, Laetitia Hible a précisé « ne pas dire qu'en-dessous, point de salut ! Mais il faut être réaliste : on ne pourra pas mettre en place la totalité des services dans toutes ces pharmacies, honnêtement ».

Soulignant qu'« aujourd'hui, seule une pharmacie sur cinq atteint le chiffre d'affaires de 2 M€ », Philippe Gaertner a justement déclaré que tout l'enjeu pour la FSPF est « de mettre en place des dispositifs que tous pourront faire. Il faut choisir des nouvelles missions que d'emblée 80 % des pharmacies peuvent réaliser et que l'officine adapte l'offre de services à sa situation ». Victorien Brion, ancien président de l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), a ajouté que la jeune génération était parfaitement conscience de la dualité du métier, entre santé publique et commerce. « C'est [d'ailleurs] par sa réussite commerciale qu'une officine peut œuvrer le plus pour la santé publique ». En attendant d'inscrire peut-être, un jour, la vaccination au menu de la formation continue des potards.

 

Par Anne-Laure Mercier

18 Octobre 2015

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