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Vaccin contre le VIH : un espoir raisonnable ?

En près de quarante ans, aucun candidat vaccin contre le VIH n’a ­donné satisfaction. Pourtant, ces dernières années, deux stratégies ­novatrices offrent de nouvelles perspectives.

Par Stéphany Mocquery

© adobeStock_peterschreiber.media

Depuis la découverte du Virus de l’im­munodéficience humaine (VIH) par des chercheurs de l’Institut Pasteur en 1983, les scientifiques sont allés de dé­convenues en déconvenues dans la mise au point d’un vaccin. En cause, notamment, la très grande capacité du VIH à muter et à produire de nombreux variants, qu’un vaccin idéal devrait être en mesure de neutraliser dans leur totalité. Ainsi, ce n’est qu’en 2009 qu’un essai de phase III a offert, pour la première fois, un espoir pour la mise au point d’un vaccin : l’essai Thaï (RV144), mené entre 2003 et 2006 en Thaïlande sur 16 395 volontaires non infectés par le VIH. « À l’époque, la stratégie utilisée, appelée le prime boost, était très novatrice », indique Serawit Bruck-Landais, directrice du Pôle Qualité et Recherche en santé à Sidaction. « Elle combinait deux vaccins différents injectés en deux temps : la première série d’injections, prime, préparait la réponse immunitaire par l’administration d’un vecteur viral recombinant exprimant trois antigènes du VIH ; la seconde série, boost, contenait une protéine recombinante inductrice d’une réaction croisée avec le premier vaccin », ajoute-t-elle. L’essai de phase III, qui a duré trois ans et demi, a montré une protection modeste de 31 %. « Même si l’effet bénéfique n’était pas très élevé, c’était la première fois que l’on démontrait qu’un vaccin était possible », ajoute la responsable avant de préciser qu’« auparavant, les différents candidats vaccins n’étaient soit pas protecteurs soit avaient des effets délétères car ils facilitaient l’infection ».

Toujours la stratégie du prime/boost

C’est cette stratégie du prime/boost qui est à nouveau testée depuis 2019, cette fois-ci avec un vecteur adénoviral, dans l’essai Mosaico. « L’idée est de combiner des antigènes d’un grand nombre de sous-types du VIH, d’où le terme de mosaïque, pour faire en sorte que les réponses immunes induites soient capables de reconnaître les différents variants du VIH », indique le Pr Michaela Müller-Trutwin, cheffe de l’Unité VIH, Inflammation et Persistance à l’Institut Pasteur de Paris. Cet essai de phase I/IIa, lancé par le laboratoire ­Janssen, le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID) et le HIV Vaccine Trials Network (HVTN) prévoit deux protocoles prime/boost différents : l’un avec un vaccin trivalent à vecteur recombinant (Ad26.Mos.HIV) en prime suivi d’un boost vaccin trivalent/solution protéique bivalente (Bivalent gp 140)/adjuvant, l’autre avec un vaccin tétravalent à vecteur recombinant (Ad26.Mos4.HIV) en prime suivi d’un boost vaccin tétravalent/solution protéique bivalente (Clade C, gp140)/adjuvant. La fin de l’essai est prévue pour avril 2023. « Cette approche est l’une des plus avancées actuellement », indique le Pr Müller-Trutwin. « Toutefois, l’attention de la communauté scientifique est tournée vers des approches qui ciblent les anticorps neutralisant à large spectre, les bnAbs pour broadly neutralizing Antibodies », ajoute-t-elle. Les bnAbs sont des anticorps qui mettent entre un à trois ans pour apparaître et ne sont présents que chez très peu de personnes vivant avec le VIH. In vitro, les bnAbs sont capables d’inhiber un grand nombre de variants du VIH. 

Miser sur les anticorps à large spectre

Ainsi, le 26 janvier dernier, à l’occasion du 4e Congrès international HIV Research for Prevention (HIVR4P), des résultats prometteurs d’un essai clinique utilisant ces bnAbs étaient annoncés. Il ne s’agissait cependant pas d’un essai vaccinal puisque les anticorps étaient injectés (immunisation passive). Selon les deux essais présentés, menés dans le cadre du projet Antibody Mediated Prevention (AMP) chez 4 625 volontaires à risque d’infection par le VIH, l’administration d’un anticorps neutralisant à large spectre, le VRC01, réduisait de 75 % le risque de s’infecter par un variant ­reconnu par le VRC01, mais seulement 30 % des souches virales circulant au sein des différentes communautés de volontaires étaient détectés.

Stimuler des cellules très rares

« Ces essais pilotes fournissent ce que l’on appelle une preuve de concept de la capacité d’un bnAbs à neutraliser un certain nombre de variants du VIH et ainsi bloquer l’infection », fait remarquer le Pr Muller-Trutwin. « Ils laissent supposer qu’il sera peut-être possible, à l’avenir, de combiner plusieurs bnAbs dont on sait déjà qu’ils sont très efficaces, pour voir s’ils peuvent apporter une protection contre un nombre encore plus important de variants viraux », ajoute-t-elle.
Il s’agit donc maintenant de trouver un vaccin qui puisse stimuler l’organisme pour que celui-ci produise ces anticorps particuliers. C’est le cas avec un candidat vaccin, également présenté au congrès HIVR4P, qui est parvenu à déclencher la stimulation de cellules qui ont le potentiel de produire ce type d’anticorps chez des volontaires sains. Une première mondiale également. Dans cet essai de phase I randomisé versus placebo mené chez 48 volontaires sains, 97 % des personnes ont répondu au vaccin. « Ce qui est intéressant dans cette étude, c’est que les chercheurs sont parvenus à stimuler les lymphocytes B producteurs de bnAbs alors que ce sont des cellules très rares, environ 1 sur 1 million de cellules B naïves », souligne Serawit Bruck-Landais. « C’est très intéressant et très novateur », conclut-elle. 

De multiples obstacles

Les difficultés pour mettre au point un vaccin contre le VIH sont de plusieurs ordres. D’abord liées au virus lui-même avec, en premier lieu, son extrême variabilité : « La variabilité du VIH au sein d’un même individu correspond à celle du virus de la grippe dans le monde entier », indique le Pr Müller-Trutwin de l’Institut Pasteur. En mutant rapidement, le virus échappe à la réponse immunitaire induite par les candidats vaccins et notamment aux anticorps induits par les antigènes que ceux-ci contiennent. Deuxième difficulté, le virus infecte les lymphocytes CD4 : « Or, quand le système immunitaire se défend, il produit des cellules CD4 activées et le VIH infecte préférentiellement ces cellules quand elles sont activées », ajoute la chercheuse. Enfin, le VIH est capable de s’intégrer dans le génome de ses cellules cibles, ce qui le rend invisible pour le système immunitaire. L’autre grande difficulté est financière : « Le budget pour la recherche d’un vaccin n’a jamais été suffisant et l’on manque toujours de moyens », regrette le Pr Müller-Trutwin. « Avec l’arrivée des trithérapies puis des bithérapies, l’intérêt pour ce financement a baissé, c’est certain, alors même que le sida reste une épidémie mondiale majeure », ajoute-t-elle.

NOTABENE

Il existe deux types
de VIH : le type 1,
le plus répandu, 
et le type 2. Le type 1 
est divisé en 3 groupes,
eux-mêmes constitués
de sous-types : M,
majoritaire et responsable 
de la plupart des infections, 
N et O. Le groupe M 
se subdivise en au moins 
12 sous-types (A à L),
capables de recombiner
entre eux pour produire
de nouveaux variants.


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