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Asthme allergique : la lutte continue

Touchant environ 2 millions de personnes en France, l’asthme ­allergique est une maladie qui partage ses mécanismes avec certaines rhinites et conjonctivites. Bien que très répandues, ces allergies respiratoires sont encore source de nombreuses interrogations.

Par Patrick Milhau

De 15 à 20 % des asthmes de l’adulte sont liés à l’activité professionnelle, tous types d’asthmes confondus.© adobestock_shootdiem

Au milieu des années 2010, on enregistrait approximativement 60 000 séjours hospitaliers par an pour cause d’asthme en France, dont les deux tiers concernaient des enfants de moins de 15 ans. En 2014, « 851 décès par asthme sont survenus en France, soit un taux brut de mortalité de 1,3 pour 100 000 habitants », souligne ­Santé publique France dans une publication sur ce sujet. Maladie chronique touchant environ 4 millions de personnes en France, la moitié des cas est imputable à une forme allergique qui se caractérise par une inflammation de type 2, après un contact avec un allergène. Ainsi, l’asthme dit « allergique » rejoint-il la famille des allergies respiratoires rassemblant aujourd’hui également certaines rhinites et conjonctivites. « Ces trois ­maladies partagent les mêmes mécanismes, sans que l’on sache vraiment pourquoi celui-ci implique des symptômes différents en fonction des patients, souligne Pascal Demoly, coordinateur du département de pneumologie du CHU de Montpellier. Cependant, ceux-ci vont souvent de pair chez les patients : 70 % des asthmatiques présentent une rhinite, deux tiers des rhinites allergiques au pollen sont associés à des conjonctivites… Toutes sortes de combinaisons et de sévérités sont possibles. »

Prévalence en hausse

« Aujourd’hui, on estime que près de 20 % des Européens sont atteints de rhinite allergique, pour 6 % d’asthmatiques », note Laurent Guilleminault, pneumo-allergologue au CHU de Toulouse. Ces taux très élevés sont liés à une progression de la prévalence dans le temps, notamment avec de fortes hausses jusque dans les années 2000. « Les allergies respiratoires font partie des premières maladies dont la prévalence ­augmente dans un pays lorsque celui-ci a réussi à juguler les problèmes périnataux et de grande pandémie, à l’instar du paludisme, explique Pascal Demoly. De ce fait, on suppose que ces maladies sont liées au changement d’environnement et au passage à un mode de vie occidentalisé. » Perte de bio­diversité, diminution de l’exercice physique, baisse de la consommation d’antioxydants ou encore ­pollution sont autant de facteurs mis en avant pour expliquer la croissance de la prévalence des allergies respiratoires en population générale. « Sans oublier le tabac ! », ajoute-t-il. Ce changement d’environnement entraînant des modifications du mode de vie et une baisse de l’expo­sition aux germes, il pourrait expliquer la tendance du système immunitaire à s’orienter vers des inflammations de type 2 favorisant les allergies. « Il est aussi possible que les modifications et la moindre diversité du microbiote pulmonaire et intestinal participent à la hausse de la prévalence de ces maladies », souligne Laurent G­uilleminault. Les deux chercheurs s’accordent à dire que si la pollution, et notamment les particules fines, a souvent été mise en avant pour expliquer ces maladies, son rôle est certaine­ment secondaire par rapport à l’évolution de l’environnement. Les causes restent sujettes à suppositions mais les conséquences, elles, sont concrètes. « Il faut ­différencier les agents responsables de la cause de la maladie, que l’on ne connaît pas aujourd’hui, et les agents exacerbants : les allergènes », relève ­Pascal Demoly. Une fois ces derniers entrés dans l’orga­nisme de personnes ayant des prédispositions génétiques, le système immunitaire va s’emballer, enclenchant une inflammation de type 2 et donc la production de cytokines spécifiques, d’IgE mais aussi de lympho­cytes T et B et de mastocytes. Ce système de défense est à l’origine des symptômes des allergies respi­ratoires. Face à cette réaction, les praticiens disposent de traitements efficaces dont, en premier lieu, les corticoïdes locaux qui vont lutter directement contre les symptômes de la maladie. « Des alternatives sont aussi apparues ces dernières années. À commencer par des produits biologiques et notamment les anticorps monoclonaux anti-IgE autorisés en France pour la première fois en 2006 avec l’omalizumab. Il s’insère dans la stratégie thérapeutique comme traitement additionnel chez les patients atteints d’asthme persistant sévère lorsqu’il est d’origine allergique et mal contrôlé par une corticothérapie inhalée », poursuit Pascal Demoly. Ou encore le mépolizumab qui cible l’interleukine 5. Une autre grande voie repose sur la désensibilisation qui consiste à administrer des doses progressives d’extraits d’allergènes afin de stimuler le système immunitaire et rendre la personne tolérante à la substance. Ces nouvelles avancées sont cependant réservées, en raison de leurs prix élevés, aux 3 à 5 % de patients présentant des formes sévères.

La piste du vaccin

Plus récemment, l’Inserm a annoncé une grande avancée : le développement d’un vaccin contre l’asthme allergique. S’appuyant sur des résultats obtenus par des biothérapies ciblant les cytokines IL-4 et IL-13, Laurent Reber et son équipe du laboratoire ­toulousain Infinity, avec des chercheurs de l’Institut Pasteur et l’entreprise française Neovacs, ont obtenu des résultats préliminaires intéressants. Dans une première publication dans Nature Communications, ils avaient démontré l’effet d’un ­vaccin prometteur contre les cytokines dans un modèle murin d’asthme. Une expérience réitérée sur des animaux humanisés en février 2023. « Les résultats publiés dans la revue ­Allergy montrent qu’un vaccin ­neutralisant l’activité des IL-4 et IL-13 humaines permet de diminuer les caractéristiques de l’asthme aux acariens : hyperréactivité bronchique et forte inflammation des voies aériennes avec une activité éosinophile et une importante production de mucus », détaille ­Laurent Rebert. Dans la plupart des cas, la réponse dure au moins un an. Cette nouvelle publication permet d’envi­sager la mise en place d’essais cliniques, pour lesquels Neovacs a déjà sécurisé le financement des phases I et II. « Dans le meilleur des mondes, sa commercialisation pourrait être envisageable dans une dizaine d’années », poursuit le chercheur. Encore en cours de dévelop­pement, il est difficile de s’avancer sur l’avenir du vaccin. « Si son coût est moindre que celui des biothérapies, on peut facilement imaginer qu’il soit dispensé pour des formes légères à modérées et non plus uniquement pour les formes sévères », déclare le directeur de recherche. Par ailleurs, les IL-4 et IL-13 étant aussi centrales dans les voies allergiques en général, le laboratoire envisage la possibilité d’étendre l’usage de ce potentiel vaccin. 

Les pharmaciens sur le front

Avec un arsenal thérapeutique efficace et fourni à disposition pour lutter contre les allergies respiratoires, le rôle du pharmacien est primordial dans le parcours de soins des patients. « Le facteur déclenchant majeur reste la non-prise de traitement », assure Pascal Demoly, coordinateur du département de pneumologie du CHU de Montpellier. « Les officines ont un véritable rôle à jouer pour s’assurer de l’observance des patients ainsi que dans leur éducation à certains dispositifs », poursuit Laurent Guilleminault, pneumo-allergologue au CHU de Toulouse. Ils estiment aussi important de repérer les patients nécessitant des renouvellements de cortisone ou de salbutamol trop fréquents, afin de pouvoir les orienter dans leur parcours de soins. « Aller voir un allergologue peut changer la donne pour certains patients. Inciter à consulter un spécialiste, allergologue ou pneumologue, est essentiel dans ces cas », insiste Pascal Demoly. Il donne aussi l’alerte sur les prises de corticoïdes oraux : « Leur toxicité est cumulée. Après deux cures par an, les risques de complications de la cortico­thérapie systémique augmentent fortement et, avec eux, ceux de diabète, d’hypertension, etc. »

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