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Quelle conduite tenir avec les anti-inflammatoires ?

Contrairement à l'Agence européenne des médicaments (EMA), les autorités de santé françaises préconisent de proscrire la prise d'anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en cas de suspicion de SARS-CoV-2.

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Il n'y a pour l'instant pas de consensus international concernant les risques potentiels d'une prise d'AINS durant une infection au SARS-CoV-2, mais des observations en vie réelle tendent à laisser penser que ces molécules pourraient jouer un rôle aggravant sur l'infection. Dans une communication du 14 mars diffusée sur son canal d'urgence, la Direction générale de la santé (DGS) a ainsi fait état d' « événements indésirables graves liés à l’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) [ayant] été signalés chez des patients atteints de Covid-19, cas possibles ou confirmés ». Elle rappelle à cet effet que « le traitement d’une fièvre mal tolérée ou de douleurs dans le cadre du Covid-19 ou de toute autre virose respiratoire repose sur le paracétamol » et n'hésite pas à conclure que « les AINS doivent être proscrits ». Mais attention, la DGS insiste également sur le fait que « les patients sous corticoïdes ou autres immunosuppresseurs pour une pathologie chronique ne doivent pas interrompre leur traitement, sauf avis contraire du médecin qui les suit pour cette pathologie ».

Dissonance

Relayée publiquement par le ministre de la Santé, Olivier Véran, cette alerte n'a toutefois pas fait l'unanimité parmi ses homologues européens. Ainsi, les autorités de santé autrichiennes, espagnoles ou encore portugaises ont communiqués sur le fait qu'il n'existait aucune preuve montrant un quelconque effet aggravant de l'ibuprofène et, plus largement, des AINS lors d'une infection au SARS-CoV-2. Une opinion reprise par l'Agence européenne des médicaments (EMA), le 18 mars, dans un communiqué dans lequel elle indique notamment qu'à « l'initiation d'un traitement contre la fièvre et la douleur dans le cadre du Covid-19, les patients et les soignants devraient envisager toutes les options, dont le paracétamol et les AINS ». Elle rappelle toutefois que le comité de sécurité de l'EMA a lancé une enquête suite au signalement de complications infectieuses graves avec les AINS émis par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Dans ce point d'information publié le 18 avril 2019, l'ANSM rappelle aux patients et aux professionnels de santé de « privilégier l’utilisation du paracétamol en cas de douleur et/ou de fièvre, notamment dans un contexte d’infection courante comme une angine, une rhinopharyngite, une otite, une toux, une infection pulmonaire, une lésion cutanée ou la varicelle, en particulier en automédication ». Plusieurs chercheurs en médecine interrogés par l'organisme britannique Science Media Centre semblent s'accorder sur le fait qu'il faille privilégier le paracétamol aux AINS en cas d'infection. De son côté, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) privilégie d'ailleurs la position française et conseille aux personnes soupçonnées d’être infectées par le nouveau coronavirus de ne pas prendre d'AINS sans avis médical.

Les triptans plutôt que les AINS

La Société française d'étude des migraines et céphalées (SFEMC) a par ailleurs publié le 19 mars un ensemble de recommandations pour l’adaptation des traitements de crise de la migraine pendant l’épidémie de Covid-19 par rapport aux AINS. « En cas de crise de migraine, les traitements recommandés en France sont les AINS et les triptans. Beaucoup de patients prennent également des antalgiques. Durant toute la durée de l’épidémie de Covid-19, les adaptations à suivre sont les suivantes :

  • absence de symptôme d’infection virale respiratoire (fièvre, toux, difficultés respiratoire, rhinite, angine) : poursuite du traitement de crise habituel en privilégiant les triptans et en limitant les AINS aux crises sévères rebelles aux triptans pris seuls. Les antalgiques (paracétamol ou antalgiques opiacés) peuvent être utilisés si besoin ;
  • présence de symptômes d’infection virale respiratoire (fièvre, toux, difficultés respiratoire, rhinite, angine) : stopper tous les AINS jusqu’à la guérison. Si une crise de migraine survient, elle devra être traitée par triptans et/ou antalgiques (paracétamol ou antalgiques opiacés) ;
  • l’aspirine est un anti-inflammatoire à une posologie supérieure ou égale à 500 mg/jour. »

Par Benoît Thelliez

20 Mars 2020

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