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Les lunettes-loupes au clair

Certains fabricants de lunettes-loupes jouent sur le flou qui entoure encore les règles de vente et d’étiquetage. La DGCCRF fait une mise au point.

 

© FOTOLIA/TOMNAMON

La concurrence mène parfois à la désinformation. Ainsi, dans les officines, a circulé au printemps une interprétation erronée d’un courrier de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) au sujet des lunettes-loupes. La DGCCRF avait été saisie par le fabricant Estipharm­ : Élisabeth Perin, sa présidente, avançait que son entreprise subissait « une attaque très forte de [ses] concurrents sur la non-conformité de [ses] produits ». Elle a donc essayé de comprendre les obligations en matière d’étiquetage des lunettes-loupes, d’autant que le distributeur « perd[ait] beaucoup de clients »

Sortir les lunettes grossissantes

Rappelons d’abord la réglementation en la matière, que la DGCCRF a d’ailleurs mentionnée dans son courrier à Estipharm et qu’elle nous a reconfirmée par la suite. Des lunettes-loupes qui n’opèrent qu’un grossissement ne sont pas des dispositifs médicaux (DM) puisqu’elles ne revendiquent aucune « destination médicale », selon le terme de la DGCCRF. Et ces lunettes-loupes non DM ne peuvent pas être vendues en officine, n’étant pas prévues par l’arrêté qui fixe la liste des marchandises pouvant y être commercialisées. 
En revanche, des lunettes-loupes qui corrigent la presbytie et donc revendiquent une « destination médicale » deviennent des DM et doivent, comme pour tout DM, être marquées CE. ­Celles-ci peuvent alors être vendues en pharmacie conformément à l’arrêté fixant la liste des marchandises pouvant être commercialisées en officine qui inclut bien les DM individuels. Elles peuvent aussi être vendues dans tout type de commerce : « il n’existe aucun monopole de vente pour ces DM », souligne la DGCCRF.
Ce qui est réservé à l’opticien-lunetier, ce sont les verres qui corrigent l’amétropie (hypermétropie, ­myopie, astigmatisme uniquement) et les lentilles de contact correctrices. La presbytie n’en fait pas partie : la Cour de cassation, dans une affaire opposant 29 officines au Syndicat des opticiens français, avait, en 2003, conclu que la presbytie n’est pas un « défaut de réfraction comme l’amétropie mais un défaut d’accommodation dû au vieillissement » et que les lunettes-loupes la corrigeant ne relèvent pas du monopole des boutiques d’optique.

Ne pas jeter le trouble

Tout pourrait être on ne peut plus clair si Estipharm n’avait pas distribué le courrier de la DGCCRF à ses pharmacies clientes en leur indiquant, malheureusement à tort : « Tel qu’il ressort de la législation, le pharmacien est en infraction lorsqu’il délivre des loupes de lecture CE sans ordonnance alors qu’il n’est pas titulaire du diplôme d’opticien-lunetier »… Et le fabricant est allé jusqu’à retirer le marquage CE de ses produits, pensant se mettre en conformité avec la réglementation ! ­Contacté, il persiste : « Qui dit marquage CE, dit correction, donc monopole des opticiens et infraction du pharmacien  », résume encore Élisabeth Perin. Sauf que tout dépend de la correction en question, justement et, in fine, des intentions d’Estipharm : si ses lunettes-loupes ne sont que grossissantes, ce ne sont pas des DM et elles n’ont rien à faire en pharmacie ; si elles corrigent la presbytie, ce sont bien des DM qui doivent être marqués CE et entrent dans le monopole des pharmaciens d’officine. 

Par Anne-Laure Mercier

7 Juillet 2017

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