Formulaire de recherche

La lévothyroxine, molécule à problèmes

Le changement de formulation du Levothyrox opéré en avril dernier provoque un pataquès qui n'est pas sans précédent. Explications.

Le Levothyrox, ancienne et nouvelle formules.

 

Le feu couvait depuis la mise en ligne d'une pétition « Contre le nouveau Levothyrox dangereux pour les patients » en juin dernier, qui a dépassé les 130 000 signatures le 25 août. La nouvelle formulation de cette spécialité délivrée à près de trois millions de personnes en France provoque en effet de nombreux remous. Dans un courriel adressé à la presse début août, une patiente témoigne : « Je n'étais même pas au courant que la formule avait changé. Ni le médecin ni la pharmacienne ne m'ont prévenue. [...] Depuis je vis un enfer. » Comme elle, de nombreux patients décrivent des symptômes divers, alliant migraine, fatigue, perte de mémoire, ballonnements, déprime... suite au switch vers le Levothyrox nouvelle formule. Ce que confirme le laboratoire Merck : « Certains patients signalent des effets pouvant affecter leur vie quotidienne. À ce jour, quelques centaines de cas ont été rapportés, sans causalité établie avec Levothyrox. » Autant de symptômes peu spécifiques mais pouvant être liés à un déséquilibre en hormone thyroïdienne. 
Du côté des associations de patients, on est beaucoup plus alarmiste ; la coprésidente de l'Association française des malades de la thyroïde réclame ainsi le retrait du Levothyrox nouvelle génération, une mesure que le laboratoire et l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) écartent formellement. Il faut dire que cette dernière est à l'origine du changement de formulation. En effet, le retrait du lactose et son remplacement par du mannitol ainsi que l'ajout d'acide citrique a été réalisé « à la demande de l’ANSM, car il pouvait exister des différences de teneur en lévothyroxine non seulement d’un lot à l’autre [...] mais aussi au cours du temps pour un même lot. Ces fluctuations en teneur active étaient à l’origine de perturbations de l’équilibre thyroïdien », précise le laboratoire.  L'Agence confirme : « Il n’y aura pas de retour à l’ancienne formule qui était de qualité inférieure à la nouvelle. »

Délicat dosage

Premier paradoxe, c'est le remplacement d'un excipient à effet notoire (EEN) par deux excipients sans effet notoire qui est à l'origine de cette vague de témoignages, amplifiée par une couverture médiatique importante. Les pharmaciens le savent bien, cette molécule a toujours été délicate à manipuler, sa marge thérapeutique étant étroite et l'équilibre des doses difficile à trouver. C'est d'ailleurs ce qui lui a valu d'être exclue de l'accord génériques entre pharmaciens et Assurance maladie et du tiers payant contre génériques, les réticences à la substitution étant trop fortes. Voilà le second paradoxe : ce changement de formulation a été initié dès 2012 pour rapprocher le princeps de ses génériques (Lévothyroxine Biogaran et Ratiopharm), afin de diminuer la variabilité des doses dans chaque comprimé. Un princeps qui s'aligne sur les génériques, c'est un cas rare, voire unique. En effet, ces derniers comportent du mannitol depuis leur mise sur le marché (il est toutefois à noter qu'ils ne contiennent pas d'acide citrique). 
Cette polémique n'est que la dernière d'une longue série : en 2013, la molécule avait subi de graves ruptures de stock, qui avaient obligé les autorités sanitaires à recourir à l'Eutyrox, commercialisé en Italie. Le passage de 28 à 30 comprimés, sans changement de formulation, en 2010 avait aussi perturbé les patients, a rapporté le laboratoire au Parisien. En tout cas, une leçon semble ne pas avoir été retenue : si les professionnels de santé ont été informés en temps et en heure, cela n'aurait pas été intégré du côté de certains patients. Il ne reste en attendant qu'à rassurer les malades qui ressentiraient des effets secondaires – une minorité parmi les trois millions de personnes traitées – et à les orienter vers leur médecin pour un éventuel dosage de la TSH dans les meilleurs délais.

Numéro vert de l'ANSM : 0800 97 16 53 du lundi au vendredi de 9 h à 19 h.

Numéro vert de Merck : 0800 024 888 (24 h/24, week-ends et jours fériés compris).

Par Laurent Simon

24 Août 2017

© Le Pharmacien de France - 2024 - Tous droits réservés