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La justice redit « non » aux plate-formes de vente

Et de deux. Après 1001Pharmacies.com, Doctipharma.fr voit son activité de vente en ligne de médicaments condamnée.

Extrait de la décision rendue par le tribunal de commerce de Nanterre.

 

Justice est-elle faite, comme le réclamait 1001Pharmacies.com il y a deux ans ? Une chose est sûre, le modèle vanté par la start-up montpelliéraine comme par Doctipharma.fr, filiale de Lagardère Interactive, a du plomb dans l’aile. Le tribunal de commerce de Nanterre, dans une décision rendue le 31 mai, a en effet déclaré « illicite » la vente de mé­di­ca­ments sans ordonnance sur Doctipharma.fr et a condamné la société à en « cesser le commerce électronique » et à retirer immédiatement les pages de son site en proposant, sous peine d'une astreinte de 3 000 euros par jour de retard à compter du 16e jour après le prononcé du jugement. Au moment où nous écrivons ces lignes, l’opérateur n’avait pas encore obtempéré.

Valeur d'exemple

Doctipharma.fr n'a pas souhaité communiquer dans l'immédiat sur l'éventualité de faire appel mais « prend acte de la décision du tribunal. [...] Réunir [des pharmaciens] sur la plate-forme Doctipharma permettait à leur offre de mieux émerger sur Internet dans un contexte extrêmement concurrentiel où les acteurs européens, à la législation beaucoup plus souple, déploient des moyens très importants pour préempter le marché français.Cette décision ne fait qu’accentuer la distorsion de concurrence entre les grandes officines, [...] et les plus petites, qui n’auront pas les moyens ni l’échelle suffisante pour développer la visibilité de leur offre et qui ne pourront donc jamais bénéficier de solutions mutualisées ». [Mise à jour du 6 juin : Doctipharma vient de faire part de sa décision de faire appel de la décision du tribunal de commerce] 
La plainte contre Doctipharma.fr avait été déposée en septembre dernier par l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO). « Doctipharma était important pour nous parce que nos institutions censées nous protéger n'osaient pas y aller, explique Laurent Filoche, président de l'UDGPO. Frapper celui qui, potentiellement, peut être le plus gros en France est un signal fort pour les autres. » Car pour le président de l'UDGPO, « même si Doctipharma prétend ne pas être une place de marché [une market place, comme eBay ou Amazon, NDLR], c'est le même concept que 1001Pharmacies »

Intermédiaire indésirable

Une ju­ris­pru­dence est donc bien en train de se constituer pour ce « concept ».  Malgré leurs effets de langage, 1001Pharmacies.com – qui prétendait n'être qu'un service de livraison de médicaments – et Doctipharma.fr – qui avance n'être qu'un éditeur d'une solution technique à destination des pharmaciens d'officine – ont tout de la market place. Dans le cas de Doctipharma.fr, le tribunal a d'ailleurs considéré que la société « joue [...] manifestement un rôle actif dans l'activité d'e-commerce en offrant à la vente à distance au public des médicaments non soumis à prescription obligatoire ». Il a également jugé qu'elle « viole les dispositions relatives à la vente de médicaments et au commerce électronique de médicaments destinées à protéger la santé du public ». Le tribunal rappelle par ailleurs que l'article L.5125-25 du Code de la santé publique, qui proscrit toute immixtion de tiers dans la relation entre patient et pharmacien, « n'est pas respecté », et que « Doctipharma joue un rôle majeur d'intermédiaire entre les clients [...] et les pharmacies sur leur site respectif» Des motifs presque identiques à ceux de la condamnation de 1001Pharmacies.com... Un vent mauvais souffle sur les plate-formes de vente dans l'Hexagone.

 

Par Claire Frangi

1 Juin 2016

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