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Comment prévenir les violences intrafamiliales à l’officine ?

L’analyse juridique de Maître Nathalie Charnay, avocate au barreau de Lyon, spécialiste en droit du dommage corporel et droit de la famille.

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Quelle est la place du pharmacien dans le dispositif d’alerte des violences intrafamiliales et conjugales ?
Le législateur a confié au pharmacien – à travers la loi du 30 juillet 2020 – un rôle d’information, d’écoute et de signalement aux services de police ou de gendarmerie. Le maillage territorial du réseau officinal permet à l’ensemble de la population d’avoir facilement accès à une pharmacie et de s’adresser à un tiers de confiance. Pour les victimes de violences conjugales, cette proximité engage à faire le premier pas qui est le plus compli­qué, celui de libérer leur parole. Il est plus simple de pousser la porte d’une pharmacie que d’un poste de gendarmerie. L’espace de confidentialité des officines est parfaitement adapté pour écouter et guider les victimes. La réponse sera de rassurer avec des mots simples : « Vous n’y êtes pour rien » ; « c’est vous la victime, il est l’agresseur » ; « vous êtes en danger » ; « nous allons trouver une solution ». L’affichage à l’officine de ce nouveau rôle est utile pour informer le public et être identifié comme un interlocuteur de premier recours.

Comment intervenir sans risquer des poursuites pour violation du secret professionnel ?
Les victimes sont très souvent sous emprise et cadenassées psychologiquement, avec une perte de discernement et de la notion de consentement. Elles ont perdu la capacité de porter plainte. Or, la mesure d’éloignement de leur agresseur est nécessaire pour les protéger et casser le lien de dépendance pathologique. Si le pharmacien « estime en conscience » que la victime est « en danger immédiat », il peut s’affranchir de son accord pour effectuer un signalement sans que cela constitue une transgression du secret professionnel passible de sanctions pénales. Le législateur a levé ce verrou en consacrant l’impunité des professionnels de santé amenés à dénoncer des violences. La victime doit cependant être informée du signalement. Très rapidement, des mesures d’éloignement du conjoint violent pourront être ordonnées par la justice.

À l’inverse, le silence et la passivité peuvent-ils être sanctionnés pour non-assistance à personne en danger ?
Cette lourde charge pour le pharmacien d’officine d’appeler les services de police ne doit pas inciter au silence qui enfermerait encore davantage la victime dans la croyance que c’est elle la coupable. L’agresseur joue sur la peur et la dévalorisation qui induisent une perte de repères. L’emprise est ainsi mise en place. Le pharmacien n’a pas un devoir d’enquête, il n’a pas non plus le rôle de psychologue, mais si une victime lui parle, il doit l’entendre et agir dans un temps court. Son inaction pourrait lui être reprochée devant les tribunaux en cas d’issue dramatique. Porter assistance à une personne en danger, représente une obligation légale mais aussi déontologique.

Par Fabienne Rizos-Vignal

9 Mars 2021

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