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Philippe Gaertner

Président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France

© Miguel Medina

La mort de l’interpro ?

Toutes les batailles causent des dommages collatéraux et, malheureusement, dans celle de la loi de Santé qui oppose les médecins à l’avenue de Ségur depuis plusieurs semaines, c’est une certaine idée de la solidarité entre professionnels qui a été égratignée au passage. Premier exemple de ce regrettable état de fait : le bras de fer autour du tiers payant généralisé, qui risque d’entraîner les pharmaciens dans une polémique qu’ils n’ont pas choisie. Avec l’Assurance maladie comme payeur unique dans un système pensé par et pour les médecins, c’est toute une architecture patiemment édifiée depuis 1989 par vos représentants qui pourrait se retrouver mise à terre. Concentrer les pouvoirs entre les seules mains de la Caisse nationale d’assurance maladie ne pourra rien apporter de bon pour les professionnels libéraux que nous sommes, même si les médecins n’ont pas encore perçu ce risque majeur pour leur exercice.

« Des corporatismes d’un autre temps ont eu raison de la vaccination à l’officine. »

Ce n’est pas tout : avec le rejet sans gloire de la vaccination à l’officine en commission des Affaires sociales, avant même qu’un quelconque débat puisse avoir lieu dans l’Hémicycle de l’Assemblée nationale, nous envoyons un bien mauvais signal à nos concitoyens. En 2015, des corporatismes d’un autre temps peuvent donc encore avoir raison d’une mesure de santé publique qui, j’en suis persuadé, aurait été une réponse efficace à un problème majeur : la baisse de la couverture vaccinale en France. Vous connaissez l’exception culturelle, nous inaugurons dorénavant une exception sanitaire : la France sera bientôt un des seuls pays à se passer totalement des pharmaciens pour restaurer la confiance de nos concitoyens en la vaccination, une confiance pourtant sérieusement écornée. Quel dommage !

Mais, pour cruciale qu’elle soit, la vaccination à l’officine n’est pas le seul déboire dû à ce grand retour du corporatisme. Les pharmaciens ont en effet tout à craindre des dommages qu’il pourra provoquer à l’avenir sur le développement professionnel continu (DPC), tant pour l’année 2015 que pour les années suivantes. Ne pas consentir à la mutualisation des ressources entre professionnels de santé afin d’être à même de former tous ceux qui le souhaitent à la hauteur des demandes de chacun n’a tout simplement aucun sens au moment où, sur le terrain, médecins, infirmiers, pharmaciens et kinésithérapeutes travaillent main dans la main au sein des maisons et pôles de santé. L’interprofessionnalité n’est pas un vain mot de technocrates ; elle symbolise avant tout des actions réciproques et concertées au nom du bien commun. Il serait grand temps de s’en souvenir !

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