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Rififi sur le rotavirus

Ils ont fait les choux gras de la presse grand public cette semaine. Les vaccins Rotarix et Rotateq sont en effet liés à deux décès de nourrissons, dont ne parviennent pas à se dépêtrer les autorités sanitaires.

Comment les pharmaciens, et donc les parents, peuvent déterminer l'intérêt ou non de vacciner les nourrissons contre les infections à rotavirus ? Au vu des deux décès après une vaccination par Rotarix, l'autre par Rotateq révélés par Le Canard enchaîné mercredi et en effet notifiés dans le compte rendu d'une réunion du comité technique de pharmacovigilance de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) mis en ligne la veille, ladite agence a tenté jeudi 2 avril, lors d'un point presse, de rappeler le bénéfice/risque favorable de ces vaccins. Un exercice d'information-communication quelque peu loupé.

Très rare mais grave

S'il faut rappeler que les cas d'invagination intestinale aiguë (IIA) à l'origine de ces décès ne sont pas nouveaux – ils figurent bien dans les résumés des caractéristiques du produit – et qu'ils restent « très rares : le sur-risque est de l'ordre de 6 cas supplémentaires pour 100 000 vaccinés », a indiqué Dominique Labbé, directrice adjointe à la direction des vaccins, ils nécessitent toutefois une prise en charge rapide. Le directeur général de l'ANSM, Dominique Martin, l'a asséné : « Lorsqu'une IIA est prise en charge très tôt, le pronostic est extrêmement favorable ». C'est là que l'information des professionnels de santé comme des familles devient vitale et c'est l'enjeu des prochains jours : sensibiliser les familles aux signes d'IIA survenant dans le mois suivant la vaccination, en particulier dans les sept jours, à savoir des douleurs abdominales, des pleurs répétés et inhabituels, une pâleur importante, des vomissements, du sang dans les selles, des ballonnements abdominaux et/ou une fièvre élevée. Mais, de par sa potentielle gravité, le risque d'IIA soulève la question du bénéfice d'un vaccin qui prévient des gastro-entérites et n'est ni obligatoire, ni recommandé.

Double discours

Le but est d'éviter une hospitalisation du nourrisson : « les gastro-entérites constituent un sujet de préoccupation, notamment en termes d'infections nosocomiales », a expliqué Dominiqué Labbé qui assure justement que Rotarix et Rotateq « diminuent notablement les hospitalisations », mais en étant incapable de citer le moindre chiffre venant étayer l'efficacité de ces produits. Lors du point presse, les représentants de l'agence ont en outre été titillés à maintes reprises quant aux soupçons de conflits d'intérêts planant sur le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et son comité technique des vaccinations, ainsi que sur leurs surprenants revirements de recommandations. En effet, après avoir refusé deux fois, en 2006 puis 2010, de recommander la vaccination systématique contre les infections à rotavirus, ces instances s'y sont prononcées favorables en février dernier. C'est Dominique Martin qui tentera de reprendre la main sur les débats : « Catherine Hill [épidémiologiste devenue célèbre depuis l'affaire du Mediator, NDLR] dans un quotidien ce matin [Libération du 2 avril, NDLR] recommande cette vaccination. Et il me semble qu'elle est exempte de conflit d'intérêts ! Il faut prendre en compte les bénéfices individuels et collectifs. Rotarix et Rotateq restent des médicaments avec un bénéfice/risque favorable. » Quant aux recommandations, « nous ne faisons pas de la politique vaccinale », souligne-t-il. Son comité technique de pharmacovigilance estime pourtant le taux de notifications d'effets secondaires « bien supérieur à celui d'autres vaccins pédiatriques » et « préoccupant ». Par ailleurs, l'ANSM a précisé que le HCSP « a prévu de réexaminer dans les prochains jours ses recommandations relatives à la vaccination des nourrissons contre les infections à rotavirus ». De quoi s'y perdre !
Les fabricants, GlaxoSmithKline (Rotarix) et Sanofi Pasteur MSD (Rotateq), n'ont en tout cas pas attendu pour demander le remboursement de leurs vaccins, actuellement en cours d'évaluation par la commission de la transparence. D'après Le Canard enchaîné qui cite « un connaisseur du dossier », « la décision doit tomber dans les prochains jours ».

 

Quelques chiffres

  • Commercialisé depuis mai 2006, Rotarix totalisait au 31 octobre 2014 422 effets indésirables, dont 161 graves. 
  • Commercialisé depuis janvier 2007, Rotateq comptait, lui, 86 effets indésirables, dont 40 graves.
  • 75 % de ces effets indésirables sont d'ordre digestif, dont 47 cas d'IIA (35 pour Rotarix, 12 pour Rotateq).
  • 300 millions de doses de ces vaccins ont été distribuées dans le monde, dont 1,1 million en France.
  • Entre 10 et 20 décès sont survenus dans le monde après vaccination par Rotarix ou Rotateq.
  • Rotarix vient de baisser son prix conseillé, qui passe de 71,70 euros la dose à 60,38 euros.
  • Rotateq est toujours vendu au prix conseillé de 44,93 euros.

 

Par Anne-Laure Mercier

3 Avril 2015

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