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La pharmacie 3.0, santé ou business ?

Si les objets connectés, dispositif phare de la santé 3.0, n'en sont qu'à leurs prémices en officine, tous s'accordent à dire qu'ils constituent un virage à prendre pour répondre, demain, aux exigences de santé publique.

Le secrétaire général de la FSPF Claude Baroukh, au 68e Congrès des pharmaciens.© MIGUEL MEDINA

 

La deuxième table-ronde du congrès, organisée samedi 17 octobre en fin de journée, s'interrogeait sur la place du pharmacien à l'heure de la santé dite 3.0. Autrement dit l'ère des objets connectés, a expliqué Hélène Charrondière, directrice du pôle pharmacie-santé des Échos Études. Dans les années 90, il s'agissait en effet de santé 1.0, soit de la « e-santé passive, avec la création des premiers sites d'information comme Doctissimo ». Dans les années 2000, la santé 2.0 recouvrait « le web communautaire, le développement des réseaux de patients et des professionnels de santé, comme Carenity ». Avant de passer, demain, à la santé 4.0 qui signera l'avènement des « NBIC, soit la convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, de l'informatique et des sciences cognitives ».

Aujourd'hui, « la pharmacie 3.0 n'est pas de la science-fiction. Le virage numérique de l'officine a commencé mais le nombre de pharmacies impliquées reste limité », a constaté Hélène Charrondière. Par exemple, « très peu d'officines en France possèdent un site d'information », puisque seulement 2 000 à 5 000 possèdent un site vitrine. Quant à la vente en ligne, « on estime à environ 500 le nombre de pharmacies qui ont une activité réelle de e-commerce. Mais la moitié d'entre elles ne vend qu'un produit par mois »... Et lorsqu'on parle uniquement de vente en ligne de médicaments, « la proportion est encore plus faible : moins de 300 pharmacies, selon les chiffres ordinaux, ont demandé une autorisation » et « à peine une dizaine » aurait une activité significative. Pour autant, Hélène Charrondière estime les pharmaciens tout à fait légitimes à se positionner sur les objets connectés.

Relais de croissance

Caroline Blochet, présidente de Medissimo, et Thierry Chapusot, président du directoire du Groupe Welcoop, ne l'ont pas contredit. Ces deux sociétés commercialisent en effet chacune un pilulier connecté – l'exemple type de l'objet connecté en santé –, respectivement baptisé Imédipac et DO-Pill. Tous deux ont rappelé que « ces outils, certes connectés, ne sont que des outils, pour reprendre les termes de Thierry Chapusot. Ils nécessitent un accompagnement ». Selon l'économiste de la santé Jean-Jacques Zambrowski, le « vrai problème que posent les objets connectés n'est pas l'objet mais ses données : qui les reçoit ? qui les stocke ? » Les pharmaciens présents dans la salle ont également soulevé la question de leur prise en charge, à laquelle Caroline Blochet a répondu : « si l'usage en vaut la peine, le patient le financera ». « Une partie des Français sont prêts à acheter. Ce sont les pharmaciens qui ne sont pas prêts à vendre », a fait remarquer Thierry Chapusot. Ajoutant que l'État prendra en charge ces objets s'il constate qu'ils permettent de réaliser des économies. C'est pourquoi le Groupe Welcoop a lancé une étude médico-économique avec les centres hospitalo-universitaires de Nancy, de Lille et de Bordeaux dont les résultats pourraient être connus dans vingt-quatre mois et qui pourraient justement ouvrir la voie à un remboursement.

Objets connectés, robotisation, automatisation... Si le secrétaire général de la FSPF Claude Baroukh connaît « les problèmes de trésorerie des officines, peu propices aux investissements, néanmoins les pharmaciens ont intérêt à développer rapidement ces axes de différenciation à haute valeur ajoutée ». Il enjoint ainsi les pharmaciens à « sortir de leur zone de confort en s'adaptant » à ce virage digital. À titre d'exemple, il estime que « la télémédecine par le biais des pharmacies rurales est un formidable débouché pour les pharmaciens. La profession doit [donc] relever ce défi » et l'État, de son côté, aider les pharmaciens « en intégrant ce relais de croissance à leur monopole ».

Par Anne-Laure Mercier

18 Octobre 2015

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