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Dépakine, combien d'handicapés ?

C'est officiel : en sept ans, au moins 8 700 enfants ont été exposés in utero à un risque tératogène. Un fonds d'indemnisation sera mis en place.

La question est sur toutes les lèvres : combien d'enfants souffrent aujourd'hui de malformations congénitales ou de troubles neurodéveloppementaux à cause du valproate de sodium ? Les chiffres de l'étude conjointe de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) parue le 24 août donnent le vertige : entre 2007 et 2014, « 14 322 grossesses exposées à l’acide valproïque ont été dénombrées », précise le document, dont 8 701 naissances d'un ou plusieurs enfants nés vivants. Ce n'est en effet qu'en 2006 que le Vidal déconseille pour la première fois l'utilisation de valproate pendant la grossesse. 
Étant donné le risque très important de tératogénicité qu'entraîne la molécule – 30 % à 40 % de cas de troubles du comportement –, ce sont plusieurs milliers d'enfants, entre 2 500 et 3 500 âgés de 2 à 9 ans, qui ont aujourd'hui à pâtir à des degrés divers des effets secondaires de la prise de ce médicament. Ce sont surtout ces troubles et des cas de malformations mineures qui seraient à craindre : en effet, le taux important de 30 % d'interruptions volontaires de grossesse (IVG) parmi les 14 322 grossesses laisse penser que les malformations les plus graves ont été détectées in utero. De plus, l'étude Cnam-ANSM ne porte que sur sept ans et ne tient donc pas compte des naissances antérieures exposées au valproate... et donc des milliers d'adolescents et d'adultes qui souffrent aujourd'hui des séquelles du traitement.

Flou sur l'indemnisation

Voilà qui crédibilise l'estimation de 30 000 enfants nés handicapés avancée par Marine Martin, la présidente de l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant (Apesac). Le ministère de la Santé, dans un communiqué publié le même jour, avance que « le deuxième volet de cette étude portera sur les enfants issus des grossesses exposées ainsi identifiées » et annonce la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de la molécule, aux contours pour l'instant très flous, qui sera mis sur pied avant la fin de l'année dans les lois de financement. Côté officine, la ministre de la Santé Marisol Touraine se contente de rappeler deux mesures de son « plan d'action » de mars dernier : « un pictogramme indiquant le danger de  [l']utilisation [du valproate de sodium] pendant la grossesse [...] sera apposé sur les boîtes de médicaments [...] dans les six mois (compte tenu des délais de fabrication des boîtes) » et « la création d'un système d’alerte dans les logiciels d’aide à la prescription et à la dispensation utilisés par les médecins et les pharmaciens ». Il va maintenant falloir redoubler d'efforts pour faire respecter aux médecins et aux patientes les règles de prescription et de délivrance de la molécule.

Par Laurent Simon

25 Août 2016

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