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Tapis rouge pour EllaOne

Depuis le 15 avril, le pharmacien peut délivrer sans ordonnance EllaOne, y compris aux mineures de plus de 15 ans pour qui elle est prise en charge à 100 %. D'accord, mais comment et pourquoi conseiller l'ulipristal plutôt que le lévonorgestrel ?

Annoncé depuis le début de l'année, le délistage d'EllaOne (ulipristal acétate) est effectif. Un virage stratégique que va essayer de ne pas louper HRA Pharma, laboratoire qui commercialise cette contraception d'urgence ainsi que son prédecesseur, Norlevo (lévonorgestrel) mais à un prix trois fois inférieur. Ce dernier est ainsi vendu quasiment en totalité sans ordonnance tandis qu'EllaOne, jusqu'à présent disponible uniquement sur prescription, ne représente actuellement que 3 % de ce marché. S'il se vend chaque année plus de 850 000 comprimés de Norlevo et 600 à 700 000 boîtes de Lévonorgestrel Biogaran, EllaOne ne dépassait pas en 2013 la barre des 50 000*. 

Le laboratoire sort donc le grand jeu. Outre des formations dispensées dans les officines demandeuses depuis le mois de février, HRA Pharma a monté un site internet réservé à la profession : EllaOnepharmaciens.fr propose notamment des cas de comptoir et un module d'e-learning. Par ailleurs, il lance aujourd'hui un serious game à destination des couples, sorte d'enquête interactive sur le thème de la sexualité, disponible à partir de l'adresse Nuitchaudedouchefroide.com. Les plus jeunes peuvent quant à eux s'initier à la contraception sur l'application Capote Riposte, d'ores et déjà disponible sous Android, et d'ici une quinzaine de jours sous iOS, en jouant à « empêcher les spermatozoïdes de s'échapper en les prenant au piège dans des préservatifs ! ». Enfin, le grand public a droit à son propre site internet, baptisé Etsicamarrivait.fr. La boucle a été bouclée ce matin par une conférence mêlant journalistes de la presse professionnelle et de la presse grand public, au cours de laquelle Norlevo s'est habilement retrouvé relégué au rang de pilule dépassée tandis que la supériorité de l'efficacité d'EllaOne ne faisait aucun doute...

C'est bien là que le bât blesse. Les données présentées, notamment extraites d'une étude d'Anna Glasier parue dans The Lancet en 2010, sont en fait issues d'études de non-infériorité qui montrent que l'ulipristal est certes une alternative, mais pas forcément plus efficace. Pire, le laboratoire n'évoquera « les situations particulières » auxquelles peut être confronté l'officinal que parce que la question lui sera posée... et n'y répondra même que partiellement : « il y a l'allaitement, a indiqué le gynécologue-endocrinologue Christian Jamin au cours de cette conférence. Nous n'avons pas assez d'expérience pour recommander EllaOne en première intention [dans ce cas] mais nous n'avons pas d'inquiétude. C'est à peu près une des rares circonstances pour lesquelles on suggère de garder Norlevo » ! Sans évoquer par exemple l'interaction d'EllaOne avec la prise d'une contraception hormonale régulière. Pour pouvoir informer correctement les patients, d'abord faudrait-il correctement informer les professionnels de santé.

NB : Le Comité d'éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française (Cespharm) mettra à disposition des officinaux dès lundi 20 avril, sur son site internet, une série de documents téléchargeables ou à commander : brochure sur la contraception, tableau comparatif entre l'ulipristal acétate et le lévonorgestrel, livret à remettre aux mineures.

* Source : FSPF-Pharmastat.

Par Anne-Laure Mercier

17 Avril 2015

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