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60 millions de consommateurs étrille (encore) les dermo-cosmétiques

Le magazine militant publie un nouveau classement de produits, comprenant des références disponibles en pharmacie, selon « le risque qu'ils représentent à la fois pour la santé humaine et pour l’environnement ».

© adobestock_manojkumar

Dans son numéro de rentrée, le magazine de l'Institut national de la consommation s'intéresse à 86 références appartenant à six grandes familles de produits dermo-cosmétiques : les crèmes hydratantes de jour, les fonds de teint, les crèmes et gels de douche, les vernis à ongles, les mousses à raser et les dentifrices. Leurs efficacités respectives ne sont pas comparées : il s'agit uniquement d'une notation sur leur composition, la note finale étant exprimée sous la forme d'un indicateur dénommé « Cosméto'Score » (lettre de A à F, avec code couleur de vert à rouge). « Chaque ingrédient affiché [...] a été évalué, en tenant compte de son importance dans la composition. Le calcul du Cosméto’Score tient compte des risques pour la santé (70 % de la note) et pour l’environnement (30 %) ».

La pharmacie pas mieux considérée

Premier constat : les produits distribués en pharmacie ne sont pas épargnés par cette notation. Parmi les crèmes hydratantes, si Hydréane légère La Roche Posay reçoit un A, Hydrance riche Avène et Crème fraîche de beauté Nuxe sont notées C. En fond de teint, le produit Dr Hauschka est noté E. Parmi les gels douches, la référence Éveil des sens grenade de Weleda récolte un C. Coté vernis à ongles, Avril est coté B, Mavala reçoit un D. Parmi les mousses à raser, la référence Jonzac men est notée B. Enfin, pour les dentifrices, Parodontax original et Elmex protection caries reçoivent un C, Fluocaril bifluoré est classé E, tout comme Zendium et Oral-B complete plus.

Des critères opaques

Sans remettre en cause la légitimité de la démarche, la méthodologie questionne : les explications relatives aux mauvais scores de certains produits sont traitées de manière globale, sans mentionner en détail les reproches faits à l'une ou l'autre des formulations. Difficile donc de se faire un avis sur la pertinence des notations. Des raccourcis peuvent même faire sourciller : concernant les gels douches, l'article indique que les « produits bio [...] sont riches en allergènes, ce qui les pénalise » ou encore, à propos des vernis à ongles « comme on approche souvent les doigts des yeux, la résine des vernis provoque parfois des allergies du pourtour de l’œil ». Concernant les dentifrices, la présence d'étain et de zinc est présentée comme dangereuse (bien que ces ingrédients soient pertinents pour une efficacité accrue), et le risque de fluorose est mentionné, alors même qu'il est négligeable dans des conditions normales d'utilisation du produit. Des informations qui mériteraient bien plus d'explications et de mise en perspective, comme l'a relevé le président de la Fédération des Entreprises de la Beauté (Febea), Patrick O'Quin : « Le débat sur la composition des produits est toujours légitime, en cosmétique comme pour tous les autres produits de consommation. En revanche, inquiéter le consommateur avec des indicateurs fourre-tout, forcément anxiogènes, n'est pas la bonne méthode ». Pour la Febea, « le Cosmeto'Score conçu par le magazine mélange ainsi les impacts sur la santé et sur l’environnement (en donnant arbitrairement à chacun le poids respectif de 70 % et 30 %), met sur le même plan allergènes et substances potentiellement cancérigènes, et confond les mauvais usages (aérosols inflammables…) avec les propriétés des ingrédients. S'agissant des ingrédients présentés comme " potentiellement dangereux ", ou " pouvant présenter un risque " la Febea rappelle que tous les produits cosmétiques vendus en France respectent la réglementation cosmétique européenne, qui est la plus stricte au monde ».

Une surprise à venir

Un dernier détail est intéressant à relever dans ce dossier : si le ton est donné dès l'éditorial (« Nos salles de bains fourmillent de toxiques »), la publication critique largement les applications telles que Yuka, QuelCosmetic ou INCI Beauty pourtant conçues pour la traque de ces molécules dangereuses. L'article pointe leurs limites : « [...] retard dans les mises à jour, incohérence entre elles, confusions entre ingrédients ». On peut se ré­jouir de cet esprit critique tout en espérant que le lancement prochain par 60 mil­lions de consom­ma­teurs de sa propre ap­pli­ca­tion, bap­ti­sée « mon as­sis­tant conso », n’ait pas interféré dans leur analyse. Quoiqu’il en soit, vous n'avez donc pas fini de voir les pa­tients dé­am­bu­ler dans votre es­pace pa­ra­phar­ma­cie, té­lé­phone en main, pour scan­ner tous les pro­duits à leur por­tée.

Par Alexandra Chopard

28 Août 2020

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